Au Brésil, comme dans une grande partie de l'Amérique Latine, la corruption est endémique depuis le temps des colonies. L'enquête contre la corruption, dite du "lava jato" tient le pays en haleine via la télévision Globo. La justice a développé un système d'encouragement à la délation (décrit par l'expression "mettre la m... dans le ventilateur"), particulièrement utilisé par un "petit juge" du sud, inconnu auparavant, le juge Moro. Il met systématiquement en prison préventive dans des conditions très dures ceux qu'il souhaite faire parler. Il a donné beaucoup de conférences dans lesquelles il se compare aux juges italiens de l'opération manu pulite. Il entretient une aura créée par la presse, surtout Globo qui lui a dédié un des livres hagiographiques en tête de gondole dans tous les points de vente. Le Monde lui a consacré un article élogieux avec grand portrait, le décrivant comme l'Eliott Ness brésilien.

Le juge Moro fait régulièrement fuir sur la Globo les éléments qu'il souhaite transmettre, et a divulgué dans l'heure une écoute téléphonique entre la présidente de la République et son prédécesseur.
Les partis de l'oligarchie brésilienne sont impliqués dans des affaires multiples et gigantesques depuis les travaux publics, la distribution d'électricité, le vol sur les repas de cantine et d'hôpitaux, jusqu'au trafic de cocaïne. On a vu un mystérieux accident d'avion dont la boîte noire était en panne et des suicides opportuns de témoins et d'enquêteurs. Après 13 ans au pouvoir, le Parti des Travailleurs, le PT, a été également gagné par la corruption. Lors d'une perquisition chez le plus gros entrepreneur BTP du Brésil, le juge a mis la main sur la liste des corrompus destinataires de pots de vin. Y figuraient les plus grandes figures de la politique brésilienne, avec leur pseudonyme pour les échanges, les sommes attribuées pour chacun et les dates. On en a pris connaissance par une fuite "accidentelle" dans la presse, le juge ne souhaitant pas poursuivre cette piste, où on ne trouvait ni Dilma Rousseff ni Lula. L'ex-Président Lula a pour la première fois une dignité aux pauvres, les sondages le donnent vainqueur dans une présidentielle en 2018. Les USA cherchent mettre fin au mythe de la gauche en Amérique Latine. Le 4 mars, le juge Moro a arrêté Lula à l'aube, devant les caméras… de la Globo, souhaitant le mettre en prison préventive à Curitiba, de mauvaise réputation. Des témoins présents par hasard ont reconnu le prisonnier sur le tarmac, et fait intervenir en urgence le tribunal suprême pour empêcher cette séquestration. L'arrestation a été déclarée illégale par la justice.
Le juge Moro a été formé aux USA. Il s'affiche volontiers dans un colloque du PSDB, Parti Social Démocrate du Brésil (en fait de droite) dont son père est membre fondateur, et pour lequel sa femme travaille. Interrogé par des journalistes sur sa partialité, le juge admet vouloir s'attaquer à Lula, "parce que c'était lui qui était au pouvoir". Wikileaks nous informe que Moro travaille depuis longtemps avec les autorités US au Brésil. D'après le journaliste Pepe Escobar, il bénéficie d'informations directes de la CIA et de la NSA et est chargé de mettre Lula en prison pour l'empêcher de se présenter en 2018.

Sources :
Sur la corruption, dans Le Monde du 01/06/2016
Sur le juge Moro, dans Le Monde, magazine M du 28/03/2016
Sur le désintérêt du juge pour la liste Oderbrecht (Brasil 247 du 03/04/2016 en portugais)
Son indulgence pour le PSDB (Valor Econômico du 14/07/2016 en portugais)
Sur l'analyse de Pepe Escobar.
Informations Wikileaks sur le juge Moro