Le Brésil vit les avancées du gigantesque scandale financier du "lava-jato" qui implique industriels et hommes politiques de tout bord.
Dans l'enregistrement d'une conversation téléphonique révélée en mai 2016 à la presse, le président du sénat brésilien, Romero Juca, disait à un cadre de Petrobras que les enquêtes se rapprochaient de lui, et qu'il fallait "arrêter l'hémorragie".
Il décrivait deux obstacles à l'arrêt des enquêtes en cours, la Présidente Dilma Rousseff et le juge Teori Zavascki.


  • Pour ce qui est de Dilma Rousseff, son camarade vice-président Eduardo Cunha a mené la procédure (avant de devoir rendre quelques comptes à la justice et partir entre deux policiers, voir billet précédent)
  • Il restait le juge Zavascki, membre du tribunal fédéral suprême (STF)  et rapporteur de l'enquête Lava-Jato.
Son fils avait dénoncé il y a plusieurs mois les menaces qui pesaient sur lui : "Si quelque chose arrive, vous saurez où chercher", avait-il dit.
Le juge devait annoncer vendredi la liste des délations jugées recevables. La veille, le petit avion qui le menait vers un hôtel où il allait se reposer s'est abîmé en mer. L'Agence Nationale d'Aviation Civile brésilienne a posté que l'avion n'avait aucun problème. Trois heures avant l'accident, un sénateur de droite annonçait dans un tweet avec une étrange prémonition qu'une nouvelle choc serait annoncée dans les journaux du soir concernant le STF.
De nombreuses voix demandent une enquête indépendante et approfondie. La Marine Nationale brésilienne a déjà annoncé qu'elle n'avait pas réussi à remonter la carlingue (qui ne serait qu'à 4m de profondeur) et qu'elle n'essaierait pas davantage.

L'enquête en cours ne mentionne ni Lula ni Dilma Rousseff. En revanche, la disparition du juge Zavascki représente un grand soulagement pour les parlementaires qui ont organisé la destitution, pour les ministres du gouvernement Temer et pour le président lui-même, cité 43 fois déjà dans les dénonciations du scandale du Lava-Jato. C'est à lui que revient maintenant la tâche de nommer le successeur.

C'est une perte lamentable pour le pays, a déclaré le président Temer.
De nombreux commentateurs mettent en doute l'hypothèse d'un accident, et certains parlent d'assassinat commandité. Les plus narquois disent que les ministres devant le cercueil venaient en fait pour s'assurer du service fait avant de payer.

Cercueil_Zavaski.jpg


Sources :




PS :
On peut noter la différence de traitement entre le Wall Street Journal, la BBC, The Guardian, El Pais, et le silence de "Le Monde", qui a pris fait et cause contre l'idée d'un coup d'état.

Ajouté le 24/01 Avec quatre jours de retard, Le Monde a annoncé la mort du juge, et écarte les interprétations conspirationnistes. Certes rien ne conforte cette hypothèse partagée par plus de 80% des brésiliens, mais on peut faire deux remarques :
  • Dans une autre affaire, celle du scandale de Furnas, au moins deux enquêteurs se sont suicidés mystérieusement, dont un qui tenait un blog et avait annoncé ne pas vouloir mettre fin à ses jours. De même, dans l'affaire de l'accident d'avion qui a coûté la vie au candidat à la présidentielle Eduardo Campos, le propriétaire de l'avion et principal source d'information s'était suicidé juste avant son interpellation en mangeant un fruit empoisonné. Entre suicides et accidents, la vie des informateurs potentiels est précaire au Brésil.