Lula a été condamné en appel, sa demande d'habeas corpus vient d'être rejetée à l'unanimité par le Tribunal Fédéral Suprême (pas en raison non de la constitution comme ce devait être le cas, mais d'un jugement de 2016).
Partant vivre au Brésil, j'étais convaincu, comme tout le monde, que Lula avait été un chef d'état généreux, mais qu'il s'était servi au passage. J'ai été effaré de voir la quantité d'information courante au Brésil qui ne passe pas en France, je ne m'attendais pas à assister à un procès digne de Moscou. Tous les journaux français ou presque reprennent la presse brésilienne qui soutenait la dictature.

Aucun article n'a décrit en détail les charges contre Lula : des délations de prisonniers contre remise de peine. Les accusations étaient initialement contradictoires. Ils ont laissé leur avocat pour prendre celui, le même pour tous, indiqué par le juge : les accusations en ont devenues plus cohérentes. Ce simple fait discrédite le procès et la justice brésilienne censée respecter les règles de l'ONU.

Lula a été condamné à douze ans de prison pour un appartement non déclaré qu'il nie de l'avoir acheté, juste visité avec sa femme. Les photos des caméras de sécurité ont fait le tour du Monde, comme preuve à charge (1). Le Brésil est un pays moderne doté de cadastre, facile à consulter. Le juge ne s'en est pas préoccupé. D'autres instances de justice ont établi que cet appartement appartient toujours à l'entreprise de BTP, OAS(2, 3).

Le juge Moro qui mène l'accusation, formé aux USA, décrit comme "l'Eliott Ness brésilien" (4), est pourtant mouillé depuis longtemps dans des affaires (comme son épouse). Après l'avoir nié, il reconnaît travailler avec les USA où il se rend régulièrement, et où il annonce s'installer après le procès. (On rappelle au passage que le juge Barbosa, nommé par Lula pour imposer la présence d'un noir, avait condamné son bras droit, Jose Dirceu, sans élément concret. Lors des Panama Papers, on lui a découvert un appartement de luxe à Miami difficilement compatible avec son salaire, et qu'il avait oublié de déclarer au fisc brésilien.)

Pendant le procès, le cabinet d'avocats de Lula était sur écoutes du juge Moro.
La défense a retrouvé les originaux de documents à charge qu'un avocat travaillant pour la société Oderbrecht accuse le juge d'avoir falsifiés.
Les avocats de Lula ont réuni plus de 70 témoignages établissant que, non seulement Lula n'a jamais été propriétaire (le juge avait parlé de "propriété de fait"), mais qu'il n'a jamais logé dans cet appartement. La prise en compte des témoignages a été refusée au procès.
Lula a fait appel à la commission des droits de l'homme de l'ONU, qui a décidé de le défendre après examen du dossier. Le juge Geoffrey Robertson qu'elle a nommé a publié un article dans la plus prestigieuse revue américaine sur la partialité de la condamnation (5). Quel journal en a parlé ?
Même si tout était vrai, quel pays donnerait une condamnation de 12 ans pour un appartement ?

Le procès du "Lava jato" initié par le juge Moro a permis la destitution de Dilma Rousseff au nom de la lutte contre la corruption, et l'accession au pouvoir de l'équipe la plus immorale de l'histoire du Brésil.

Temer, accusé de corruption par de nombreux témoignages, documents écrits et vidéos, a bloqué toutes les avancées sociales du temps de Lula et Dilma Rousseff, modifié la constitution avec l'aide d'un parlement largement véreux pour verrouiller le blocage. Il a mis en vente les principales ressources du pays : réserves pétrolières, entreprises de technologie, aujourd'hui le troisième constructeur mondial d'avions, Embraer, à Boeing. Il a attribué à l'armée américaine des terres en Amazonie et la base spatiale d'Alcantara proche de l'équateur, la mieux placée au monde.

En conclusion, tout indique une justice d'une époque que l'on croyait révolue, qui agit en étroite collaboration avec les services américains. Les USA ont décidé dans les années 1980 de remplacer les uniformes par la toge. C'est ce qu'explique Pedro Estevam Serrano, professeur de Droit Constitutionnel dans son ouvrage "Autoritarismo e golpes na America Latina" (Autoritarisme et Coups d’État en Amérique Latine) (6), et l'attaque de l'Amérique Latine par les USA, et le rôle particulier de Hillary Clinton, pour imposer le néolibéralisme (7).

Le Brésil, qui sortait du tiers-monde, doit retomber dans la pauvreté pour au moins des décennies.



Sources :

1. http://g1.globo.com/…/fotos-mostram-visita-de-lula-triplex-…
2. https://conexaopol.blogspot.fr/…/e-agora-mpf-justica-e-cond…
3. https://www.brasildefato.com.br/…/decisao-de-juiza-do-df-c…/
4. http://www.lemonde.fr/…/l-eliot-ness-bresilien_4833469_3222…
5. https://www.foreignaffairs.com/…/brazil/2017-04-19/case-lula
6. https://rajadanorte.wordpress.com/…/autoritarismo-e-golpes…/
7. https://www.counterpunch.org/…/hillary-clinton-and-wall-st…/