Aecio Neves, le candidat favori du journal Le Monde aux présidentielles de 2014, présenté comme un "économiste", "social-démocrate", est un cas extrême du monde politique brésilien.
(Le "Partido Social Democrata Brasileira" a depuis longtemps abandonné son origine pour être un parti de droite largement corrompu).

Il est issu d'un milieu aisé de barons locaux, fils et petit-fils de politiciens. Son grand-père est une figure respectée, qui devait être le premier président de la république après la dictature mais, au moment d'assumer, fut emporté par une crise cardiaque qui n'était peut-être pas l’œuvre du seul destin.

Aecio commence la politique sous la dictature, à 17 ans, dans divers organismes administratifs, puis à la tête d'une radio. Député à 26 ans, quatre fois en tout, président de la chambre, gouverneur de l'état de Minas Gerais, puis sénateur, il aura occupé les principales charges. Il est nommé en 2008 commandeur de la légion d'honneur par Nicolas Sarkozy. Opposé à José Serra dans son parti, il en obtient l'investiture pour la candidature à la présidence en 2014. Il perdra de peu la présidentielle contre Dilma Rousseff.

Il termina le dernier débat contre Dilma Rousseff, s'adressant au public : "il y a un moyen simple d'éliminer la corruption de ce pays, c'est de tirer le PT du pouvoir".

Fêtard, il est injoignable le week-end, entre moto, surf et boîtes de nuit. "Jet-setter oisif et fortuné", selon Le Monde, qui ajoute "il sera même élu « l’un des vingt-cinq hommes les plus sexy du Brésil ». Problèmes d'alcool, en particulier au volant, et de cocaïne : selon le journaliste Carone, il aurait déjà fait trois overdoses.

Gouverneur de l'état de Minas Gerais, il y développa un état dans l'état, avec sa sœur Andrea (photo). Il y contrôle le législatif, l'exécutif le judiciaire, et les media, et installe un népotisme institutionnel.
  • Son patrimoine personnel est venu à quadrupler en quatre ans.
  • Aéroport de Claudia : en tant que gouverneur, il fait construire un aéroport avec une piste de 1km, pour les jets privés. Sauf que le terrain n'est pas public, et appartient à un membre de sa famille. Coût : 14 millions de R$.
  • Furnas : nom de la plus grande entreprise électrique brésilienne (> 10 000 MW, 40 % de la consommation du pays) originaire de Minas Gerais, transformée par Aecio Neves en pompe à finance au PSDB. Aecio y recevait l'argent des fournisseurs comme des clients, via l'intermédiaire de sa sœur. 50 millions R$ (15 M€) auraient été détournés. Un journaliste qui enquêtait a été emprisonné 7 mois et privé de soins, et libéré au lendemain des présidentielles, sans charge de justice, avec de graves séquelles physiques. Un policier enquêteur sera trouvé suicidé.
  • L'hélicoca : en 2013, la police prend en flagrant délit un hélicoptère déchargeant une demi-tonne de cocaïne-base. Coût du marché : 5 millions de R$, dix fois plus après transformation. L'hélicoptère appartient à une famille de députés de l'état de Minas, les Perella, des proches d'Aecio Neves, et le pilote était salarié de l'assemblée l'état. Quelques mois plus tard, le pilote et le copilote sont libérés avant même de déposer devant le juge, et l'hélicoptère rendu à ses propriétaires. Aucune suite ne sera donnée après une des plus grosses prises de cocaïne de l'histoire du pays. Gustavo Perella sera nommé ministre en 2016.
  • Récemment, Aecio a été trahi par un enregistrement audio dans lequel il demande 2 millions à l'entrepreneur Joesley Batista, du groupe JBS, leader mondial de l'agro-alimentaire. Dans une écoute rendue publique, il parle d'un intermédiaire pour recevoir l'argent liquide "qu'on pourra tuer avant qu'il ne parle", et envoie pour cela un neveu.
  • Au total, il est l'accusé le plus cité dans le scandale du lava-jato, ce qui ne semble pas incommoder le juge Moro, décrit comme l'Eliott Ness brésilien qui lui accorde la plus grande mansuétude (7/12/2016 : à gauche, Moro, à droite, Aecio Neves).


Aecio Neves a été le principal protagoniste du coup d'état contre Dilma Rousseff. Il n'a pas admis sa défaite à la présidentielle et a annoncé immédiatement qu'il l'empêcherait de gouverner.

Cette fois-ci, son sort semble scellé. Le juge Janot, du Tribunal Fédéral Suprême, demande l'incarcération du frère et la sœur. Andrea est arrêtée. Aecio vient d'être écarté du sénat et de la présidence du PSDB, pas incarcéré grâce à la protection dont il bénéficie encore au tribunal suprême, mais pour combien de temps ? Maintenant, beaucoup craignent : après tant de temps dans la politique, il connaît les secrets de tout le monde. Dans une conversation téléphonique interceptée et rendue publique, il menace un frère Perella en lui rappelant que la source de financement de leurs campagnes de sénateurs étaient la même.

La TV Globo qui le traitait avec beaucoup de respect vient de publier un documentaire semblant découvrir que, depuis l'âge de 17 ans, Aecio fait de la politique pour s'enrichir. Alors que tout était connu et dénoncé depuis longtemps, les brésiliens éclairés s'interrogent : pourquoi, pourquoi maintenant ? Depuis le début des procédures du coup d'état, ils ont le sentiment d'être totalement manipulés sans percevoir le projet de leurs adversaires.


Sources :

Patrimoine de Aecio : Site de l'União dos Jovens Socialistas  7/07/2014
Protection de la presse pendant 30 ans : The Intercept Brasil , 22/05/2017
Aéroport de Claudia : GGN 25/07/2014. GGN du 26/5/2017
   Classement sans suite : Diario du Centro du Mundo 15/05/2015 Excellents documentaires en portugais du Diario du Centro du Mundo : Documentaire (en portugais) de la TV Globo sur Aecio Neves 19/05/2017

Citations dans l'enquête du lava-jato : Epoca Negócios du 12/04/2017
"Aécio Neves, l’héritier" Le Monde, 22/10/2014
"Sergio Moro, l’Eliot Ness brésilien" Le Monde, 17/12/2015
(Les articles le citant dans Wikipedia tant en portugais qu'en français sont étonnamment dithyrambiques).